Place Octave Brilleaud – Rue Aristide Briand (Les cabots de Robien 3)
Un nouvel épisode des Cabots de Robien. Merci à Jean-Claude Le Chevère pour son regard tendre sur notre quartier.
« T’as vu, eh t’as vu, Berlu, on peut voyager gratis avec de vieux légumes maintenant !
- Qu’est-ce que tu racontes, Tony ? Ton patron t’aurait pas glissé des champignons du Mexique dans tes croquettes ce matin ?
- Arrête, eh arrête ! Je sais ce que je dis. Mon boss a raconté qu’aux jardins partagés de la Place Octave Brilleaud on pouvait composter ses restes de poireaux, de carottes, de tous les légumes qu’ils mangent, eux… Comme à la gare, je te dis. On composte et on monte dans le train !
- Mamma mia, che cretino ! Composter, composter, ouah ! C’est le même mot mais ça ne veut pas dire la même chose. Dis à ton boss de présenter une vieille patate au contrôleur quand il va à Paris, tu verras ce qui lui arrivera… Ce qui n’empêche que, quand on jardine, composter c’est l’avenir…
- On ne m’explique jamais rien. Comment veux-tu que je devine ? C’est comme la parité ; ils en parlent tout le temps : un homme, une femme, un homme, une femme… Si tu regardes la rue Aristide Briand, qu’est-ce que tu remarques ? Trois commerces, trois femmes : Michelle, Jacqueline et Monika. Ils sont où les hommes, Berlu ?
- La parité c’est dans le monde politique, pas dans le commerce… Tu n’écoutes pas assez les conversations, Tony.
- Mais si, Berlu, j’écoute mais je ne comprends rien à leurs histoires… Faut dire qu’ils sont compliqués : tu vois la rue Condorcet, eh tu la vois, toute tordue qu’elle est. Eh bien le Tabac-Presse le Condorcet, il se trouve où ? Tu peux me le dire, Berlu ? A l’angle de la rue Jean-Jaurès et de la rue Aristide Briand. Y’aurait pas comme une anomalie ?
- Pas du tout ! Il suffit de connaître l’histoire du quartier. Le Tabac, avant, il était rue Condorcet, c’est tout !
- Tu vois, Berlu, je l’avais oublié. J’aboie deux fois et j’oublie tout… Pourtant ça me rappelle les autres commerces du secteur. Rue Aristide Briand il y a eu une boucherie, une poissonnerie, une mercerie, une épicerie. Et une boulangerie juste à côté ! Tu te rends compte !
- T’as connu tout ça, toi ? Ouah !
- J’suis trop jeune, Berlu, mais je l’ai entendu. Et voilà que ça me revient ! Tu vois que j’écoute les conversations. Si ça continue on dira : ce chien, il a une mémoire d’éléphant !... Je sais même qu’il y a un poissonnier sur le parking de SPAR tous les jeudis.
- Ce serait quand même bien si certains s’installaient vraiment dans le quartier. Comme dit mon patron, on serait plus indépendant.
- Y’aurait par exemple un toiletteur pour chiens !
- Ouah ! Tu rigoles ! C’est pas pour nous ces boutiques-là. C’est pour les chiens de luxe, ceux qui défilent, les miss à nœud entre les oreilles, celles qui lèvent la patte avec distinction.
- Tu sais ce qu’il dit aussi mon boss ? On planterait deux ou trois pieds de vigne, bien exposés, on serait comme à Montmartre. Une commune libre !
- La commune libre de Robien ! Tu rêves, Tony ! Ton boss aussi il rêve… Mais après tout, c’est peut-être aussi grand que la città del Vaticano, ici !...
Jean-Claude Le Chevère