Une tranche de vie auprès du Gouédic,

Nelly habite de l'autre côté du Gouédic, coté Beauvallon mais elle participe à des activités à la maison de quartier et a eu connaissance de notre projet "Adopte un morceau du Gouédic". Elle observe depuis des années la vie de cette partie de ce petit fleuve et nous propose un récit imagé de son histoire avec la vallée. 

Un matin de fin mars 1974

Je suis allée me promener dans le jardin d’une maison . Attirée par un bruit agréable d’une eau qui s’écoule, je découvre une toute petite rivière , entourée de deux berges verdoyantes . 
Bientôt rejointe par celui qui allait devenir mon mari , je m’étonne d’un si joli coin de verdure aussi calme . Cet homme, Jean, me sourit et me dit «  j’ai l’impression que tu es curieuse et que tu veux en savoir davantage, je vais te raconter l’histoire de ce petit paradis que j’habite depuis 1947 . 
J’avais 3 ans quand je suis arrivé. Toute cette vallée s’appelle «  moulin au chaix ». - il y avait des vignes ici . - Non , le chaix avec un X, c’est le pré de l’âne , plus loin dans le chemin, il y avait un moulin pour moudre le blé . 
Mais je ne l’ai jamais vu en entier ce moulin . Je ne sais pas quand il n’a plus servi . Quand je suis arrivé, , le quartier Beauvallon au dessus n’existait pas . Il n’y avait qu’une ferme construite avec les mêmes pierres que celles de l’ancienne partie de ma maison . Les fermiers élevaient des vaches qui descendaient par la venelle appelée Saint – Auguste pour venir paître entre la rue de Trégueux et la maison achetée par mes parents parce que mon père était teinturier, elles buvaient dans le Gouédic qui à l’époque grouillait de truites, d’écrevisses, et également y nageaient des ciseaux d’eau, à peine dérangés par des crapauds , des grenouilles . Tu verras peut être, si tu restes, des hérissons, des écureuils, des orvets, des lapins, le renard ou tu entendras la chouette, la nuit . 
Oh ! J'oubliais , les fermiers cultivaient aussi du blé . Oui, nous sommes presqu’en ville, maintenant, mais j’ai vu le panneau Saint-Brieuc de l’autre côté de la rivière et plus haut dans la rue, il y avait un panneau Trégueux, c’est pourquoi la rue s’appelle rue de Trégueux . 
Regarde, tous les oiseaux, là des rouge gorge ,des mésanges, des petits culs, des moineaux en quantité, des libellules . 
Jusque dans les années 50, j’ai vu la construction de toutes les maisons de Beauvallon, c’étaient les maisons castors parce que construites en grande partie par les habitants . La maison la plus proche a été habitée par un instituteur très apprécié, s’il savait qu’après s’être baigné dans le Gouédic, oui c’est le nom de la rivière, ou après avoir fait des courses de petits bateaux , nous allions jouer dans sa maison en construction et dans toutes les autres aussi . 
Ah, je vois que tu regardes avec dégoût la décharge, tu as tourné la tête vers la rue . Oui, la mairie a prévu de faire une pénétrante Sud qui ira d’une rocade jusqu’au nouveau parking . Ils passeront dans le jardin qui est en zone non constructible, puis ils raseront la maison plus loin, sur la droite, qui était occupée par un charbonnier que la ville a expulsé, raseront aussi la colline que tu vois qui s’appelle la côte aux maris, non  non, je te vois sourire, ce n’était pas un endroit coquin, les femmes lavaient leur linge toute la journée dans un mini étang en haut, et le soir venu les maris allaient chercher les brouettes très lourdes à cause du linge mouillé . 
Oui, à présent, c’est plus simple de tourner un bouton de machine . La ville a aussi frappé d’alignement toutes les maisons du chemin des eaux minérales . Avant, elles étaient habitées par des employés de la SNCF et ils avaient un jardin juste en face . C ‘était pratique, ils avaient de l’eau et ils vidaient les pots de chambre, d’ailleurs il n’y avait pas encore d’assainissement . Et ici, il n’y qu’un puits, je n’ai pas l’eau de la Ville . Il y avait aussi un lavoir sur la berge du Gouédic, après une source de cresson, un peu plus loin de la maison et encore plus loin, à gauche du chemin des eaux minérales un grand lavoir sert encore de temps en temps mais je crois que des immeubles sont prévus . 
Je dois avouer qu’à cause de la teinturerie, jusque dans les années, l’eau devenait parfois rouge, ou verte, ou bleue, ou noire puisque les gens en deuil s’habillaient en noir . Mon père a cessé de le faire et a fait construire un bac de décantation que tu peux voir à droite quand la SNCF s’est fait réprimander pour le nettoyage de ses cuves et le déversement de toutes les scories . 
Oui, tu hoches la tête avec désapprobation, tu serais écolo que je ne serais pas étonné . Oui Ecolo, rigolo , dit on mais tu as sans doute raison, il aurait fallu et il faudra faire des efforts pour préserver ce coin de nature exceptionnel, en pleine ville ou presque .
Un peu plus loi , il y a un étang, l’étang de Robien , il est formidable, on peut y pêcher, pique niquer, j’espère que cela durera toujours, si j’ai des enfants puis des petits enfants , voire des arrière petits enfants, j’aimerais qu’ils connaissent cet étang . Le soir, il est un peu magique comme la mare aux fées à Paimpont, en plus petit . Tu connais?
 Non, je viens d’arriver .
 La résidence a été construite en 1970 . C’est un promoteur qui a acheté cet immense terrain qui était en partie boisé avec un manoir qui appartenait à un médecin qui lorsqu’il s’est remarié, après avoir perdu sa femme a été contraint de vendre pour donner à ses enfants leur part . Oui, revenons à la décharge, elle est là depuis environ 6 ou 8 ans . Deux magnifiques chênes, au bout du chemin sans nom pour l’instant , ont été abattus par la ville qui a jeté tous ses gravats, donc après au lieu d’aller à la grève des courses où il y a une décharge, les gens sont venus tout jeter , gazinières, frigo, vélos et même le dimanche, seul jour où les éboueurs ne passent pas, leur poubelle de déchets . 
Alors, je te préviens , assez souvent des rats se promènent dans le jardin . 
De l’autre côté de la maison, j’ai souvent joué dans ce terrain qui était jusque dans les années 60 une carrière où était extrait le granit, à présent ce n’est plus qu’un entrepôt de bois divers .
 Cela appartenait à un italien qui a fui le fascisme dans les années 30 . Maintenant, c’est une friche qui voit les ordures s’accumuler . Bon, rentrons maintenant, je veux profiter de ma maison avant que je la vende quand la route passera au premier étage » - Attends , une question , où va le Gouédic après ton jardin ? 
- Il traverse l’autre vallée, l’autre côté du viaduc qui a été souvent bombardé pendant la guerre puisque c’est la ligne Paris – Brest . Il se jette dans la mer, au port du Légué . 
- Alors, c’est un fleuve .
- Quoi , un fleuve !!!! un tout petit cours d’eau comme cela . 
- Oui, tout cours d’eau se jetant dans la mer s’appelle fleuve et toutes les «  cochonneries » jetées ici vont dans la mer, tu ne savais pas ».

Au moins neuf ans plus tard

Notre couple vit arriver des camions et de nombreux employés qui se mirent à nettoyer la décharge . 
Puis d’autres camions, puis des pelleteuses . Des tonnes de terre furent déversées . Le terrain de la ville fut considérablement rehaussé . Adieu la route dont le projet avait été abandonné quelques années plus tôt et plus d’inondations, chaque hiver . 
Et surtout, la vallée était sauvée, le murmure du Gouédic ne serait pas couvert par le bruit de la circulation automobile . 
Un petit pont construit . Le terrain qui longeait le Gouédic jusqu’au chemin des eaux minérales racheté à l’association des sourds et muets qui avant faisait pousser des peupliers pour vendre le bois . 
Des arbres plantés . Plus tard, des bancs, des tables et des poubelles . 
La Ville aménageait ce terrain .

Dix ans plus tard

Les chemins très boueux ont été gravillonnés en 1994 . Peu de promeneurs malgré tout .
 Les Briochins connaissent encore peu cette vallée qui malheureusement a perdu une grande partie de sa faune à cause, sans aucun doute, des produits phytosanitaires soit disant à l’époque sans danger .

2020 , le covid s’invite

Il faut trouver un lieu de promenade pas très éloigné de son domicile . Le Griffon met en lumière cette promenade, toute proche du centre ville . Les habitants «  s’approprient » les lieux .

EPILOGUE

 Le Gouédic coule toujours jusqu’à la mer . Tout son espace proche est en site classé, donc bien protégé de tout projet de construction nouvelle ou de voie routière . 
Alors quand reverrons nous l’étang de Robien accueillir les promeneurs, étang qui aura retrouvé insectes, crapauds, grenouilles, oiseaux, en somme la vie  ? 
Quand pourrons nous rêver aux fées ? 
Les décideurs aiment la nature alors faisons le même vœu de l'homme du début de cette histoire vraie qui s’appelait Jean qui a vécu chemin du moulin au chaix jusqu’en 2022, c’est à dire 75 ans .
 Que cet étang revive pour tous, maintenant , et pour les générations futures !!!